13‏/10‏/2015

MOHA OUKZIZ// Quel est l’avenir de la protection sociale en France?

A l'occasion des 70 ans de la Sécurité Sociale en France je retranscrit un papier rédiger l'année dernière alors qu'il est toujours d'actualité et vous pouvez aussi écouter l'émission de RFIci dessous qui disait que le Sénégal compte couvrir et protéger 75% de sa population d'ici 2017 .

Quel est l’avenir de la protection sociale en France ?
Introduction et Problématique.
La protection sociale pose la question de son financement. Qui doit payer ? le prélèvement doit-il s’effectuer au lieu de la production des richesses proportionnellement au capital et au salaire ou bien les citoyens doivent contribuer au paiement de la protection sociale via la CSG retenue sur leur salaire? Le système social est remis en cause à travers la question de son financement. Qui supportera le poids des finances, le salaire ou le capital ? La répartition cède-elle devant la fiscalisation du système de la protection sociale 
Pour aborder la question de la sécurité et la protection sociale, il n’est pas anodin de rappeler l’histoire et l’origine du système de la protection sociale dans notre pays. Ce système social depuis sa création en 1945, est remis en cause en permanence par le patronat. La reforme de 1997 a ouvert une grande brèche dans le système de la protection sociale qui couvre deux domaines/branches, la sécurité sociale et les allocations familiales.
Contrairement aux attaques patronales et du gouvernement, le système de la protection sociale avec ses deux branches est étroitement lié au monde du travail et non à la contribution nationale. Deux mécanismes de financement différents cachent deux orientations économiques différentes 
Pour comprendre le problème les enjeux financiers de la protection sociale dans notre pays, un aperçu général est nécessaire et ensuite il faut examiner les orientations actuelles patronales et gouvernementales et aborderpour conclure quelques éléments de réponses et perspectives pour le débat.
Généralités sur la protection sociale.
Avant de parler finance, il faut comprendre de quoi est fait le salaire. Celui ci est composé de deux parties. La première partie du salaire est celle versée à chaque fin du mois sur le compte bancaire de l’employé. C’est ce qu’on appelle le salaire net. La seconde partie du salaire est perçue par les caisses de la sécurité sociale pour financer les soins et salaires des soignants, les pensions retraites, les indemnités journalières des malades, les allocations familiales et enfin les allocations chômage. Cette seconde partie du salaire s’appelle cotisations. 
Après la seconde guerre mondiale, le capital était en position de faiblesse. Pour redresser l’économie libérale, des compromis avec les forces productives ont été nécessaires. Les salariés contrairement aux patrons, ont été en position de force, bien structurés politiquement et syndicalement. Des négociations ont lieu entre le patronat le salariat et l’Etat. 
Le mode de répartition des richesses produites est le sujet principal des discussions. Le poids du Conseil National de la Resistance est fort et vient en appui aux salariés dans la négociation. Ainsi est né le système de la protection sociale dans notre pays. L’idée est de relancer l’économie et protéger les ouvriers. Un choix économique et politique s’est imposé : celui d’augmenter les salaires nets et de verser aux caisses de la sécurité sociale l’autre partie du salaire dit cotisation. Les patrons sont tenus de participer à ces cotisations qui s’accroissent et assurent l’amélioration des prestations sociales pour une population toujours plus large.
Mis en place par Ambroise Croizat après la seconde guerre mondiale et directement inspiré par le programme du Conseil national de la Résistance (CNR), le système français de sécurité sociale repose sur des caisses cogérées par l’Etat, les syndicats de travailleurs et les organisations patronales, et sur le principe de la cotisation sociale inspirée du modèle allemand (par opposition à la fiscalité du système britannique). Jusqu’au gel total des années 1990, la hausse des taux de cotisation constitue à la fois le reflet et l’objet du rapport de forces opposé par le salariat au patronat. Il permettra d’augmenter le niveau des prestations, de les étendre à une population toujours plus large et de marginaliser les assurances privées, l’épargne et la capitalisation*.(Christine Jakse, Sociologue. Auteure de L’Enjeu de la cotisation sociale, Editions du Croquant, Bellecombe-en-Bauges, 2012, et membre du réseau d’éducation populaire Réseau salariat.). elle continue de dire que « Comme le salaire direct, fixé à l’issue de négociations collectives de branche et adossé à la qualification professionnelle, la cotisation relève d’un barème établi par l’Etat — ou, pour l’assurance-chômage, négocié entre le patronat, les syndicats et le gouvernement. L’indemnité journalière, le taux de remboursement des médicaments, le barème de prise en charge de l’acte médical ne constituent pas des prix de marché (fixés par la rencontre entre l’offre et la demande), mais découlent de rapports de forces sociaux et d’arbitrages politiques ».
On peut comprendre que la remise en question de la cotisation sociale, dite maintenant « charges » ou « coût du travail » est une démarche patronale contre le salariat pour baisser les salaires. Un montage intellectuel et politique est mis en place pour venir aux besoins de cette demande/ attaque patronale soutenue par tous les gouvernements. Tout « coût » appelle à une réduction et toute « charge » appelle à une exonération. On en déduit que le but de la démarche patronale et gouvernementale est de baisser le salaire car considéré comme « coût de travail » et exonération des « cotisations » car elles sont dites « charge ». Une orientation économique et politique se dessine depuis longtemps et un mécanisme doit se mettre en place pour remplacer celui de la répartition des richesses produites.
orientations actuelles. De la cotisation à la CSG
Le Mouvement des entreprises de France (Medef), enjoint au gouvernement de baisser « les charges patronales et les charges salariales ». Laurent Parisot déclare la situation gravissime( Les Echos 14 oct 2012 ). Le ministre du redressement productif Arnaud Montebourg prétend « favoriser la réduction des charges sociales patronales» . M. François Chérèque, ancien secrétaire général de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) a souhaité « abaisser le coût du travail en transférant une partie des charges sur la CSG [contribution sociale généralisée] ». ( les Echos 3 septembre 2012). Le ministre socialiste de l’économie et des finances, M. Pierre Moscovici a déclaré « Nous ne pouvons pas continuellement avoir des charges sociales qui pèsent sur le travail. » (Le Monde, 17 juillet 2012) . Toujours la même réponse : baisser les salaires et donc les prestations sociales.
Christine Jakse à écrit dans le monde diplomatique du mois de novembre 2012 : Entre 1982, année du « tournant de la rigueur » effectué par la gauche alors au pouvoir, et 2010, la part des salaires (net et cotisations sociales) dans la richesse produite chaque année en France — la valeur ajoutée — a reculé de huit points. Cette évolution résulte d’une double décision politique. D’une part, durant cette période, l’augmentation des salaires nets a été très limitée. D’autre part, les taux de cotisation sociale ont cessé d’augmenter, alors même que les besoins correspondants continuaient de croître. Le gel de la cotisation patronale vieillesse intervient dès 1979 ; celui de la cotisation patronale santé, en 1984. Puis vient le tour de la cotisation patronale chômage en 1993, de la cotisation salariale au milieu des années 1990 et de la cotisation patronale de retraite complémentaire (Agirc et Arrco) en 2001. Parallèlement, les politiques d’exonération ou de réduction des cotisations sociales se sont développées, passant d’un montant de 1,9 milliard d’euros en 1992 à 30,7 milliards en 2008 (projet de loi de financement 2013 de la Sécurité sociale, annexe 5). C’est l’impôt — et donc le contribuable — qui compense le manque à gagner pour la Sécurité sociale. Comme tout malade, chômeur, parent ou retraité l’aura remarqué, le mouvement entraîne une dégradation des prestations correspondantes, c’est-à-dire de son salaire.
La réponse apportée par le patronat, le gouvernement et même par quelques syndicats de salariés est la baisse des salaires pour « rendre les entreprises françaises compétitives », expression vague pour designer en réalité la course permanente à l’augmentation de la part des profits aux dépens des salaires. 
En matière du chômage, entre 1961 et 1965, la durée de l’allocation passe de 300 jours à 365jours, l’idée est de couvrir la totalité de la période de la privation d’emploi et non en rapport avec la période de cotisation comme actuellement. L’allocation chômage a été proche du salaire perdu, ceci entre 1979 ET 1984, le chômeur pouvait cumuler l’indemnité Assedic et celle du régime public. Sous la pression patronale, ce système a pris fin en 1984. Un autre régime est mis en place, celui des non cotisants.
En matière de santé, la suppression du ticket modérateur s’est élargie. Le remboursement devient intégral. En 1984, le taux des cotisations est gelé, un grand arrêt au mécanisme de répartition a vu le jour. Le résultat est de remplacer la cotisation salariale de santé par un impôt, celui de la cotisation sociale généralisée. La CSG. Le transfert est effectué. Le mécanisme de répartition des richesses a pris un sérieux coup. Les salaires (nets et cotisations) baissent et le profit quant à lui a augmenté et ne cesse de l’être. C’est plutôt le contribuable qui comble le trou par ce système de fiscalisation de la protection sociale. Le patronat a réussi sa démarche de s’exonérer des cotisations qu’il qualifie de charges et de baisser le salaire qu’il qualifie de coût de travail.
Conclusion.
Même le graphisme de l’Insee montre que c’est le salaire qui est au cœur des enjeux. C’est la variable d’ajustement. 
Le passage du régime de répartition par le biais des cotisations au mécanisme de la fiscalisation de la protection sociale constitue un réel danger pour le système social français réfléchi et construit depuis la seconde guerre mondiale. Le problème du financement de la protection sociale élargie à toute la population n’est pas un strict sujet de comptabilité. Le sujet est hautement politique et économique. 
Comme précise Christine Jakse, « Le débat se situe ailleurs : entre des ressources issues directement de la richesse au moment même de son partage entre profits et salaires — salaire net et cotisations sociales — et des ressources issues de la redistribution, c’est-à-dire de l’impôt collecté par l’Etat après la répartition entre salaires et profits. La première solution conforte le salaire contre le profit ; la seconde légitime le profit et affaiblit le salaire ». 
L’offensive patronale s’est accentuée. Le salariat est divisé. Les gouvernements de droite comme de gauche, s’alignent sur les positions patronales. Quel avenir pour notre pays ? L’inquiétude est partagée par toutes les classes dominées économiquement et politiquement. 
Moha Oukziz mars 2014



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